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L'Epilogue d'une machination criminelle
Journal " Le Temps" Paris, le 21 Janvier 1921
Un sorcier dans une affaire d'assassinat. Un propriétaire du hameau de Pisson, commune de
Fréchon (Lot-et-Garonne), M. Jean Délias, avait disparu depuis le 25 novembre dernier. Supposant
qu'il avait été victime d'un attentat criminel, la police mobile procéda à des recherches et, mercredi
matin, on retirait son cadavre de la rivière do la Baïse, près du pont de Rioaillou. Il portait
à la tête une blessure profonde.
Le juge d'instruction de Nérac, M. Vallès, prescrivit une enquête discrète autour de la famille
de la victime, sa femme, âgée de trente-deux ans, son beau-pèro Pierre Soucaret et d'une femme
Gers, née Camin, mariée, mère de deux enfants, qui comptait parmi ïes familiers de la métairie.
On apprit que la dame Délias était partie le soir du 25 novembre en emmenant avec elle sa fillette
et celles de Mme Gers, pour se rendre à Auvillar, village situé en Tarn-et-Garonne, à une
quarantaine de kilomètres de Bisson, chez un certain Pierre Faget, soixante-dix-sept ans, rebouteux
et sorcier, inquiétante figure connue dans toute la région et commensal habituel, lui aussi,
de la métairie. Mme Délias n'était revenue chez elle que le surlendemain, alors que le sorcier avait
au contraire passé la nuit dans la ferme, en compagnie de Marc Délias, du beau-père Soucaret, de
la femme Gers et' d'un entrepreneur de maçonnerie de Nérac, Jean Laverny, cinquante-cinq, ans,
d'assez mauvaise réputation.
Interrogée quelques jours après par les habitants du pays sur la disparition de son mari, la
femme Délias avait répondu qu'il se trouvait « pour une quinzaine a chez un parent qui habita la
commune voisine de Francescas. Mais le 27 novembre, elle avait commandé à une modiste
de Kérac deux chapeaux de deuil pour elle et sa fillette, en disant « Je pense qu'on va m'apprendre
un malheur! On se rappelait, ce propos tenu par Pierre Soucaret « Je dois une grande reconnaissance
à Mélanie Gers, elle a montre un grand courage il y a quelque temps. »
En présence de ces faits, M. Vallès fit arrêter avant-hier Pierre Soucaret, la femme Gers et le
maçon Laverny, Interrogés succesivement, les trois personnages se troublèrent, se contredirent et finirent par avouer que depuis longtemps tout allait mal non seulement à la métairie de Bisson, où les vaches
étaient malades, où les veaux crevaient subitement, mais encore chez l'entrepreneur Laverny,
dont les affaires périclitaient,' et chez les dames Délias et Gers, déçues, semblait-il, dans leurs aspirations
sentimentales.
Les « victimes » décidèrent de consulter le sorcier Pierre Faget, dont tous ces gens portaient
dans leurs poches des amulettes fatidiques. Le sorcier déclara « L'auteur de vos maux est Marc
Délias; c'est lui qui vous a jeté un sort. Il en sera ainsi tant qu'il vivra. »
Après cette prophétie, un tribunal familial s'était réuni et avait décidé la mort de Délias.
Le soir de la Sainte-Catherine, le fermier était revenu de la foire avec son. beau-père, et la fermière
ayant quitté la métairie avec les enfante, le maçon Jean. Laverny, désigné pour exécuter la
sentence, l'avait fait avec une effroyable simplicité.
Il avait attiré Délias dans son « chai », et tandis que le beau-père Soucaret occupait l'attention de
la victime, Laverny, armé d'une cale à pressoir, énorme pièce de bois équarrie, avait, d'un seul
coup, broyé le crâne du « condamné ». Le cadavre fut placé dans un sac lié ensuite de fils de fer et lesté de pierres. A deux heures du matin, on l'avait porté sur une charrette attelée d'un cheval jusqu'au pont de Ricaillou, à 1,500 mètres de là, et jeté dans la Baise. Mélanie Gers était partie en éclaireur pour s'assurer que la route était libre.
Le juge d'instruction a fait également écrouer à la prison de Nérac, comme complices, le sorcier
Faget, la femme Délias et un nommé Lalanne, ouvrier tonnelier à Condom. Ces deux derniers, ainsi
que la femme Gers, et diverses autres personnes, auraient été, assure- t-on, les dociles élèves en
sorcellerie, et aussi les secrétaires et rabatteurs de Faget.
L'Express du Midi (20 janvier 1922)
C'est le 25 novembre 1921 que M. Marc Délias, propriétaire à Pisson, commune du Fréchou, près Nérac, disparut d'une façon suspecte; ce n'est que le 11 décembre que la femme Délias signale cette disparition aux autorités.
La gendarmerie de Nérac ouvrit une enquête et après d'actives recherches discrètement et adroitement menées par M. Bertand, brigadier de gendarmerie à
Nérac, le mystère qui planait sur cette disparition commenca à s'éclaisir et l'enquête aboutissait, mardi, le 17 janvier 1922, à l'arrestation des coupables, arrestation opérée par M. Quérillac, commissaire de police de la 7e brigade mobile,
assisté des inspecteurs Périvier et Lassalle, venus dans la région pour procéder à un supplmement d'enquête sur le crime commis à Durance il y a deux ans environ.
Il est établi que le crime avait été longuement prémédité, que la malheureuse victime a été attirée dans un guet-apens et que le forfait a été froidement accompli par le sieur Laverny, maçon à Nérac, assisté dans cette sinistre besogne par Soucaret,
beau-père de la victime, et par la femme Gers, de Nogaro, qui était, dit-on, la maîtresse de Soucaret .
Le soir du 25 novembre, M. Délias, étant rentré de la foire de Condom, prit son repas en compagnie de Laverny, de Soucaret, son beau-père, et de la femme
Gers; la femme Délias était, paraît-il, à Auvillars, chez un certain Faget, personnage peu recommandable, qui en sa qualité de devin, est aussi inculpé pour être l'instigateur du crime; c'est ce que l'enquête va établir.
Après ce repas copieux, Délias fut attiré dans le chai sous prétaxte de réparations à effectuer par Laverny. Ce dernier prit une barre et en assomma le
malheureux qui fut ensuite ligoté et transporté dans la Baïse.
C'est l'endroit où il avait été jeté qu'il fut, mercredi, retiré de l'eau et ransporté à Nérac, où il fut procédé à l'autopsie.
La police mobile a procédé jeudi à l'arrestations du devin Faget ce qui porte à cinq le nombre des arrestations: d'autres vont suivre encore, paraît-il.
A l'heure actuelle, Jean Laverny, Pierre Soucaret er la femme Gers sont écroués à la prison de Nérac.
Journal L'Ouest-Eclair 20 mai 1922
Agen 19 mai - Les débats de la tragique affaire Pisson, près de Nérac, se sont termines aujourd'hui, devant la Cour d'assises du Lot-et-Garonne.
Marc Délias, âgé de 44 ans habitait Pisson, commune du Fréchou, avec sa femme et son beau-père, le sieur Soucaret. Cette famille était fort désunie et Délias s'opposait à la
vente de la propriété, qu'un nommé Laverny désirait acquérir. Il gênait sa femme dans les relations qu'il avait surprises, d'une part, entre elle et son père, et le "sorcier" Faget
d'autre part.
L'assassinat de Délias était décidé depuis deux ans, d'accord avec la femme Gers, maitraisse de Faget, qui avait manifesté le désir de jouer un certain rôle dans le crime.
Le 25 novembre dernier, Délias, attiré dans un chai, fut assommé et étranglé, en présence de son beau-père, par Laverny. Le cadavre, placé dans un sac, fut ligoté avec du fil de fer et, alourdi par une grosse pierre,
transporté en voiture, avec l'aide de la femme Gers, au pont de Ricaillou, du haut duquel il fut jeté dans la Baïse.
Au cours de l'instruction, la femme Délias et le « sorcier » Faget bénéficièrent d'un nonlieu.
Après deux jours de débats, la Cour d'assises a condamné Laverny aux travaux forcés à perpétuité, Soucaret à la réclusion perpétuelle,
et la femme Gers à un an de prison. (L'Ouest-Eclair)
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