Délias contre C. Lagutère


Le sieur Lagutère et la veuve Délias sont propriétaires dans la commune de Francescas, de deux pièces de terres divisées par un ruisseau dit de la Falitre(Laffalitre entre Lasserre et Francescas).
Un chemin vicinal ( qui relie des villages) , qui arrivé à la hauteur de la pièce de la veuve Délias, la traversait autrefois en se tenant à une certaine distance du ruisseau, a depuis changé d'assiette dans celle partie de son parcours et longe actuellement le ruisseau, dont il est cependant séparé par une bande de terrain que la veuve Délias prétend être une dépendance de son champ. — En mars 1863, le sieur Lagutère cura le ruisseau dont il s'agit, en enleva les bords et coupa les jeunes arbres et une partie de la haie qui les garnissaient. La veuve Délias, prétendant que, malgré le déplacement du chemin, elle n'avait jamais cessé d'être en possession du ruisseau, et d'agir comme propriétaire, de la haie et des arbres plantés sur la bande de terre interposée entre le ruisseau et la nouvelle voie, intenta contre le sieur Lagutère une action tendant à sa réintégration et maintenue dans la possession qu'elle avait au moment des voies de fait commises. 25 juin 1863, jugement par lequel le juge de paix de Francescas admet l'action possessoire dans les termes suivants: — «En fait,classé et reconnu public et vicinal sous le n° 54 le chemin de la Falitre à Mondon; qu'à cette époque, ce chemin traversait la propriété de la veuve Délias; que, plus tard, sans autorisation quelconque de l'autorité compétente, l'assiette du chemin fut changée et portée sur la bordure du champ de la veuve Délias et le long du ruisseau, et établi comme il est aujourd'hui ; — En droit, vu l'art. 23, C. pr. civ., et l'art. 6 de la loi du 25 mai 1836 ; — Attendu que l'existence du chemin n. 54 le long du ruisseau n'étant pas légale, ne peut avoir pour effet ni de rendre ce ruisseau une dépendance dudit chemin, ni de changer les droits de possession acquis par la veuve Délias sur ce ruisseau ; — Attendu que le sieur Lagutère a, dans le courant du mois de mars dernier, récuré ledit ruisseau, enlevé la bordure du champ de la veuve Délias, et coupé une haie qui garnissait cette bordure du champ de la veuve Délias ; — Attendu que, par ce fait commis dans l'année, Lagutère a troublé la veuve Délias dans sa possession annale; — Réintègre la veuve Délias dans sa possession annale de sa part de ruisseau et bords donti s'agit.»

25 juin 1863, jugement par lequel le juge de paix de Francescas admet l'action possessoire dans les termes suivants: — «En fait,attendu que, dans l'état de classement régulier et légalement fait en 1824 des chemins de la commune de Francescas, on trouve classé et reconnu public et vicinal sous le n° 54 le chemin de la Falitre à Mondon; qu'à cette époque, ce chemin traversait la propriété de la veuve Délias; que, plus tard, sans autorisation quelconque de l'autorité compétente, l'assiette du chemin fut changée et portée sur la bordure du champ de la veuve Délias et le long du ruisseau, et établi comme il est aujourd'hui ; — En droit, vu l'art. 23, C. pr. civ., et l'art. 6 de la loi du 25 mai 1836 ; — Attendu que l'existence du chemin n. 54 le long du ruisseau n'étant pas légale, ne peut avoir pour effet ni de rendre ce ruisseau une dépendance dudit chemin, ni de changer les droits de possession acquis par la veuve Délias sur ce ruisseau ; — Attendu que le sieur Lagutère a, dans le courant du mois de mars dernier, récuré ledit ruisseau, enlevé la bordure du champ de la veuve Délias, et coupé une haie qui garnissait cette bordure du champ de la veuve Délias ; — Attendu que, par ce fait commis dans l'année, Lagutère a troublé la veuve Délias dans sa possession annale; — Réintègre la veuve Délias dans sa possession annale de sa part de ruisseau et bords dont s'agit.»

Appel par le sieur Lagutère; et, le 24 juill. 1863, jugement infirmatif du tribunal de Nérac ainsi conçu: — «Attendu que pour apprécier le mérite de l'action possessoire introduite par la veuve Délias contre le sieur Lagutèrc, M. le juge de paix du canton de Francescas a cru devoir se référer à l'état des lieux tel qu'il parait avoir existé il y a plus ou moins longtemps, et à une époque où il est prétendu que le chemin public n. 54, dit la Falitre, traversait la propriété de la veuve Délias, sans tenir compte de la situation actuelle des lieux telle qu'elle existe depuis un grand nombre d'années; — Attendu, cependant, qu'il est constant en fait et qu'il résulte des constatations contenues au jugement dont est appel que le chemin public de la Falitre est actuellement établi sur la bordure de la propriété de la veuve Délias, et qui longe le fossé ou ruisseau dit la Falitre, immédiatement contigu & la propriété du sieur Lagutère ; — Attendu qu'il est de principe que les fossés bordant les chemins publics sont une dépendance de ces chemins et participent de leur nature imprescriptible; que, dès lors, la veuve Délias n'a pu posséder utilement le ruisseau ou fossé dont il s'agit, et qu'en commettant une entreprise sur ledit fossé avec l'autorisation de l'autorité municipale, le sieur Lagutère n'a pu commettre, au préjudice de la veuve Délias, un trouble à une possession que celle-ci ne peut point avoir; — Que M. le juge de paix ne devait donc pas reconnaître l'existence de cette possession et y maintenir la veuve Délias, elc. »

Pourvoi en cassation par la veuve Délias, pour violation de l'art. 23, C. pr., en ce que je jugement attaqué, refusant au premier juge le droit de consulter l'ancien état des lieux, et s'en rapportant seulement à l'état présent, a décidé que le ruisseau litigieux était une dépendance du chemin qui le bordait, et, à ce titre, imprescriptible et non susceptible, dès lors, d'une possession utile.

Arrêt.

LA COUR;— Vu l'art. 23, C. pr.; — Attendu que si le chemin vicinal qui, en 1824, traversait la propriété de la veuve Délias en passant à une certaine distance du ruisseau delà Falitre, a été plus tard déplacé et reporté sur le bord de ce ruisseau, ce changement a eu lieu sans qu'il apparaisse d'aucune autorisation;— Qu'a supposer qu'il ait conservé, dans sa nouvelle assiette, son caractère de vicinalité, le ruisseau dont il s'agit n'a pu devenir, par ce seul fait, une dépendance du domaine public communal; que le jugement attaqué ne révèle aucune circonstance de nature à lui attribuer cette nouvelle affectaion; que la veuve Délias a continué à avoir, comme par le passé, la possession de la bordure sur laquelle existait la haie qui a été coupée par Lagutère, et qu'en se fondant, pour repousser l'action en complainte intentée par elle contre ce dernier, sur ce que ce ruisseau participait de l'imprescriptibilité du chemin et sur ce que la commune de Francescas en avait autorisé le curement, le jugement a créé une exception que rien ne justifie et a violé, en ne l'appliquant pas, l'article ci-dessus vise;
— Casse, elc.

Du 20 mars 1866 - Ch.civ. - MM. Pascalis, prés.; Leroux de Bretagne, rapp.; De Raynal, 1er av. gén; (concl. conf.) Aubin et Hérold, av.